
Méthodologie de recherche sur les frontières
Méthodologie, méthode et technique
D'un point de vue général, il est courant de parler de méthodologie, de méthode ainsi que de technique. Parfois, il arrive que ces trois termes soient considérés, à tort, comme synonymes ce qui conduit à des confusions et des approximations dans la manière de mener sa recherche. Il faut donc prendre le temps de définir ce à quoi renvoient ces trois termes qui, s'ils entretiennent des liens évidents entre eux, ne recouvrent pas pour autant la même chose.
Pour essayer de clarifier cela, on peut considérer que la méthodologie est composée des méthodes, des techniques et des outils que l'on utilise dans le cadre d'une recherche afin de répondre à la question du comment ? Cette définition simple et schématique peut être illustrée de la manière suivante, en remettant en lien l'ensemble des « moments » et des éléments structurants de la démarche scientifique visant à répondre à trois objectifs concomitants : théorique, empirique et méthodologiques.

Comme le rappelle par exemple Madeleine Grawitz dans son ouvrage sur les méthodes en sciences sociales, la méthode peut se définir à partir de plusieurs acceptions. Prenons deux d'entre elles, la méthode au sens philosophique du terme et la méthode au sens d’attitude concrète vis-à-vis de l’objet.
- (1) - Voir Grawitz Madeleine, (1990) : Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 8e édition, p. 384.
- (2) - ibid. p. 384.
- (3) - ibid. p. 385-386.
- (4) - Gumuchian Hervé, Marois Claude (2000) : Initiation à la recherche en géographie. Aménagement, développement territorial, environnement, Paris, éd. Economica, 425 p., p. 20.


La méthode (au sens philosophique)
La méthode (au sens d’attitude concrète vis-à-vis de l’objet)
De la même manière Madeleine Grawitz invite à bien distinguer méthode et technique qui sont deux choses différentes.
Ce que l’on peut dire c’est que la technique représente les étapes d’opérations limités, liées à des éléments pratiques, concrets, adaptés à un but défini, alors que la méthode est une conception intellectuelle coordonnant un ensemble d’opérations, en général plusieurs techniques. […]
Les techniques ne sont donc que des outils mis à la disposition de la recherche et organisés par la méthode dans ce but. […] (3)
A la suite de ces précisions nécessaires, il faut ajouter une clarification concernant l'expression démarche scientifique, employées déjà à plusieurs reprises. Celle-ci peut être définie comme le proposent par exemple Hervé Gumuchian et Claude Marois comme faisant référence à :
Rappel de deux démarches méthodologiques
Deux démarches sont couramment utilisées par les chercheurs pour faire leur recherches : la démarche inductive et la démarche déductive (ou hypothético-déductive). Ces deux démarches renvoient à deux types de raisonnements conduisant chacune à l’utilisation de méthodologies spécifiques.
Ces deux approches renvoient à un schème de pensées qui suit plusieurs étapes comme on peut le voir sur ce schéma.

Tout ces rappels et clarifications permettent maintenant de bien saisir quels sont les choix méthodologiques qui ont été opérés (et qui le sont encore) pour mener à bien les recherches. Ainsi, c'est la démarche hypothético-déductive qui est employée pour mener le travail de recherche sur les frontières et les rapports sociaux, confrontant des hypothèses de départ, des postulats à la réalité afin d'en vérifier la pertinence et le cas échéant de les rectifier. Derrière ce choix, il s'agit d'avoir pour but de lier une vision à la fois théorique et pratique sans cesse affinée dans le cadre des allers-retours entre la pratique des choses (c'est-à-dire le contact avec le terrain - les observations -) et l'essai de théorisation qui en découle.
De plus, on se place résolument dans une démarche dialectique en vue de donner matérialité aux dimensions spatiales et temporelles des rapports sociaux, notamment à partir du mouvement contradictoire, antagoniste, qui s'exprime dans toutes les sociétés dans le cadre des rapports sociaux. Il est donc question d'éclairer de façon raisonnée le cheminement de recherche par les multiples antagonismes et contradictions inhérentes aux sociétés.
Construire une grille de lecture
pour une géographie sociale de l’actualité
Pour mener à bien ces recherches un effort méthodologique est nécessaire tant la complexité des relations frontalières est grande. Pour tenter d’analyser de manière précise les processus sociaux qui s’y déroulent, une grille de lecture doit être construite. C’est l’un des buts de cette recherche, pour ensuite tenter de produire une typologie des relations frontalières.
Cette grille de lecture s’articule autour de plusieurs entrées :
- - Le contexte (géographique, historique, politique).
- - Les pratiques sociales de l’espace (distances, fréquence, flux), des inégalités et différences sociales.
- - Les échelles (locale, internationale, mondiale). La constante redéfinition des rapports sociaux impose une adaptation dans la prise en compte des différents facteurs explicatifs de la nature et de la forme des relations.
Cette adaptation nécessaire est constitutive d’une géographie sociale de l’actualité, construite sur l’étude de la réalité sociale des rapports sociaux.
Peut-on en arriver à dire que la frontière « matérialise » des rapports sociaux ? Ainsi, la frontière en tant que compromis social, permet de saisir la situation sociale, à un moment donné de l’histoire des relations entre deux groupes sociaux, deux États, deux souverainetés, deux pouvoirs...
Ainsi, il s'agit de mettre en tension frontière et rapports sociaux. Pour cela l’intérêt se porte sur le contexte socio-économique global, marqué par le processus de mondialisation et sur différents contextes locaux et régionaux dont les situations sociales, politiques, économiques, culturelles diffèrent.
La question centrale étant de chercher à démontrer qu’au delà des différences culturelles, linguistiques, « ethniques », souvent avancées pour expliquer la nature des relations frontalières, ce sont les rapports de pouvoir (et les idéologies), les inégalités sociales générées et entretenues dans le cadre des rapports sociaux qu’il convient de replacer au centre de l’analyse. De quoi s’agit-il finalement ? Le but est de rapporter à une équation sociale moins complexe les relations frontalières et à réduire et nuancer les effets du discours et de l’idéologie. Étudier les frontières, les types de relations qui y prennent jour, n’est-ce pas s’interroger sur les rapports sociaux, tant au niveau de leur forme, de leur contenu que de leur mécanisme de (re)production ?
Au-delà de cette présentation très « théorique » de la méthodologie de recherche, les outils et techniques sont principalement organisés de manière à recueillir de la données, des informations par l'enquête de terrain. Pour cela plusieurs techniques et outils ont été combinés :
- - l'observation directe sur le terrain ;
- - l'entretien avec des acteurs (populations, soldats, migrants, dirigeants politiques, acteurs économiques...);
- - des traitements statistiques et cartographiques lorsque cela est possible et utile.
Ainsi, au final il y a combinaison entre des méthodes qualitatives et quantitatives (mixed-Methods).