Frontière et relations frontalières :
recherches de géographie sociale et politique
Évolutions et parcours de recherche 2002 - 2010
Mes expériences de recherche ont d’abord consisté à analyser les dimensions spatiales et temporelles des processus sociopolitiques et économiques frontaliers. Mes recherches de terrains ont eu pour but de chercher à comprendre la complexité des rapports entre acteurs, leurs stratégies et représentations, les enjeux des conflits autour de l’espace. Ainsi, durant la thèse de géographie, j’ai étudié les asymétries frontalières à partir des pratiques de différents acteurs (militaires, migrants, travailleurs, riverains…) afin de mieux comprendre la complexité et les évolutions des rapports sociaux sous les effets conjugués - ou non - des conflits politiques et militaires, de la mondialisation et des mobilités du travail, des migrations, des dynamiques de développements socio-économiques différents et inégaux.
A partir d’une étude multiscalaire, le cadre empirique de ce travail de thèse s’est concentré au Proche-Orient (Israël, Liban, Palestine), au sud de l’Europe et en Méditerranée (Espagne, Maroc) et en Amérique du Nord (États-Unis, Mexique). Ces terrains de recherches situés dans des contextes sociopolitiques, économiques et culturels différents ont contribué à enrichir les analyses par la diversité des facteurs entrant en action, par la multiplicité des systèmes d’acteurs et leurs productions d’espaces, leurs stratégies mouvantes et parfois contradictoires.
Ma démarche théorico-empirique éprouvée au cours de ces dernières années, sur des terrains de recherche frontaliers, souvent complexes et difficiles, s’appuie sur des méthodes qualitatives (observations, entretiens, questionnaires) et quantitatives (traitements statistiques) et sur l’usage de différents outils (photographie, cartographie, SIG…) dans le cadre d’une démarche à la fois multiscalaire et pluridisciplinaire.
Aujourd’hui, mon travail vise à poursuivre l’étude de la complexité des processus sociaux à partir de leur dimension spatiale. Après la thèse, au cours des années 2010 et 2011, durant les deux contrats postdoctoraux réalisés au sein du laboratoire IDEES Caen (UMR CNRS 6266), j’ai cherché à enrichir les réflexions engagées depuis plusieurs années, en mobilisant les approches systémiques et spatialisées.
C’est ce qui m’a amené à m’investir dans le domaine des représentations spatialisées et de la cartographie. Cette ouverture théorique et méthodologique s’est concrétisée par les expériences postdoctorales au cours desquelles j’ai cherché à développer mes connaissances et pratiques dans le domaine des Systèmes d’Information Géographiques (SIG). Cela s’est fait à partir des approches et analyses spatialisées des risques industriels et routiers notamment. Aujourd’hui, la thématique des risques est intégrée à mes problématiques de recherches autour d’une réflexion engagée sur le risque politique et les vulnérabilités sociales. Afin de parfaire ma pratique dans le domaine du SIG et des approches spatialisées, j’ai, en outre, participer à (et contribuer à l’organisation de) l’école thématique CNRS sur les Représentations des risques à partir des approches méthodologiques spatialisées (RRAMSES).
Au cours de ces dernières années (2010-2011), les différentes expériences postdoctorales ont ainsi permis un élargissement du champ de ma réflexion, de ma pratique et de mes compétences, notamment sur les aménagements de l’espace, sur la complexité des représentations socio-spatiales et sur les problématiques des risques.
Principaux axes de recherche depuis 2010
Les expériences et évolutions du parcours de recherche contribuent à faire ressortir cinq principaux axes de recherches :
Ces axes problématiques de recherches se caractérisent par une approche multiscalaire des questions et thématiques traitant des dimensions spatiales des rapports sociaux, des aménagements de l’espace et des représentations socio-spatiales des risques.
Du point de vue méthodologique et des outils, les expériences accumulées au cours de ces dernières années permettent une combinaison des approches qualitatives et quantitatives et l’usage des outils d’analyse informatique, notamment dans le domaine de la représentation cartographique et des SIG.
Les recherches menées au cours la thèse 2000 - 2009
Une thèse : dans quels buts et dans quelles conditions ?
Ces questions invitent à faire preuve de réflexivité (1). Ces recherches en Géographie sociale et politique ont commencé en novembre 2000, à la suite d'un projet préparé et soutenu en D.E.A. (Master recherche) au cours de cette même année. Elles portent sur la question des relations frontalières et des rapports sociaux. Cela se fait à l'Université de Caen, sous la direction de M. Robert Hérin, Professeur émérite en Géographie.
Les conditions sociales dans lesquelles s'effectuent ces recherches constituent un élément à part entière de mon parcours de recherche. Jusqu'en septembre 2007, les recherches se sont faites sans financements publics ou privés. C'est par une activité salariée en paralèlle à ces recherches que je me suis autofinancé, d'où un temps de recherche plus long... C'est ici que se pose la question des conditions sociales de la recherche. Mon cas n'est pas un cas unique, loin s'en faut, notamment dans les sciences humaines et sociales. Ces conditions sociales de la recherche et du chercheur prend les traits de la précarité que tend à rendre invisible le système d'enseignement supérieur et de recherche et le fonctionnement de la société dans son ensemble sous l'impulsion des politiques en matière d'enseignement et de recherche, en France et en Europe. Combien d'hommes et de femmes, doctorants, docteurs, post-doc' sont dans une situation de précarité ? 50 000 (soit 20 % des effectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche) ? Mon parcours doit aussi rendre visible cette précarité, au moins à mon modeste niveau. Pour une vision plus globale du problème et de la situation : Papera et Précarité dans l'ESR apporteront des compléments, des faits, des chiffres sur ces questions...
Pour autant, cette précarité subie et vécue au cours de ces dix dernières années ne doit pas effacer les solidarités qui m'ont aussi permis d'avancer et de venir à bout de cette recherche. Rien ne doit être oublier, ni la précarité d'un système souvent injuste, ni les solidarités de quelques acteurs essentiels le long de mon parcours de recherche. C'est aussi ce que traduisent certains passages des remerciements au début de ma thèse soutenue en novembre 2009.
- (1) - Voir sur cette question l'ouvrage particulièrement éclairant de Pierre Bourdieu, 2001, Science de la science et réflexivité, Paris : Raisons d'agir, 238 p.
- (2) - Fabien Guillot, 2009, Les asymétries frontalières, thèse soutenue à l'université de Caen Basse-Normandie. Extrait des remerciements. Thèse en libre téléchargement sur la page des travaux et publications.
J'ai aussi eu la possibilité d'obtenir un poste d'Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche (ATER), d'abord en 2007-2008, renouvelé pour l'année 2008-2009 qui a permis de terminer ma thèse dans de meilleures conditions, tout en me permettant d'acquérir davantage d'expériences dans le domaine de l'enseignement.
Contextes, clichés et idéologies au tournant des années 2000...
Le contexte socio-économique, politique et idéologique est aujourd’hui assez simplement schématisé et largement partagé à travers le monde (encore que les évènements récents ont sans doute ébranlé nombre de certitudes). Ainsi, le libre-échange serait synonyme d’ouverture, de modernité, de puissance, de concurrence, de souplesse, de liberté... Inversement, l’État providence, l’État-Nation, ou toute autre organisation politique porterait l’image de l’archaïsme, du catégoriel, de la rigidité, voire du totalitarisme.
Ces deux clichés constituent la base sur laquelle se déroule la guerre idéologique qui s’exprime sous diverses formes, principalement économique, en de multiples lieux du globe. Mais, c’est aussi dans ce contexte qu’une partie des barrières douanières tombent une à une, que les accords économiques et politiques régionaux (Union Européenne, Alena, Mercosur, OPEP...) se sont mis en place. Les frontières et leurs effets ont-ils pour autant disparu ?
Dans le cadre du capitalisme mondialisé et devant l’évolution des conflits sur les différents continents, que cela soit au Timor-Oriental, en Éthiopie, au Sahara Occidental, au Liban, en Israël et Palestine, Irak, mais aussi en Europe dans les Balkans, ou encore dans le Caucase avec la Tchétchénie ou la Géorgie, partout ou presque, il est question de frontière et de limites de souveraineté. C’est un concept central dans les discours idéologiques en vogue, tantôt avec leur effacement et leur ouverture, tantôt au contraire avec leur renforcement dans le cadre de l’idéologie du « territoire » et de l'«identitaire». Dans ces contextes idéologiques, la notion de frontière (re)trouve un écho particulier auprès des sociétés et des populations. La situation de crise engendrée par les attentats aux Etats-Unis démontre à elle seule que les frontières se referment aussi très vite, que le réflexe de fermeture par rapport à un extérieur et à un « autre » est toujours présent. Frontières ouvertes, frontières fermées, stratégies de contrôle et idéologie sécuritaire, tous ces aspects se matérialisent, aussi, par et sur les frontières.
Voici une présentation rapide de la problématique générale de mes travaux de recherche... L'approche est ici très générale, consultez les pages sur des travaux plus empiriques et concrets en vous reportant par exemple aux pages consacrées aux relations frontalières entre Liban et Israël et aux relations frontalières entre Israël et Palestine...
L'espace frontalier comme "terrain-laboratoire"
Au-delà de l'approche théorique, comment fait-on pour tenter d'étudier et de comprendre les relations frontalières ? Des recherches de "terrain" cela se passe comment ? Pour répondre à ces quelques questions, je vous invite à aller sur les pages consacrées aux recherches de terrain. Sur ces pages, vous trouverez quelques éléments d'introduction à la réflexion, mais aussi des éléments d'explication et d'analyse sur ce qui se passe au niveau des relations entre les difféentes populations et États. Les relations frontalières y sont abordées sous l'angle des rapports sociaux pris en compte dans leurs dimensions spatiale et temporelle afin de mieux comprendre la complexité des situations contemporaines.
La Galilée, paysage du sud du Liban.
© Fabien Guillot, 2001
Dans le cadre d’une recherche portant sur les relations frontalières et les rapports sociaux, la question du choix des terrains est fondamentale. Le choix des terrains est à mettre en lien avec les échelons d’analyses et avec la volonté d’aborder des exemples concrets, différents, pour avoir un spectre assez large F de situations sociales, politiques, culturelles et économiques.
Deux niveaux d’analyse principaux sont à prendre en compte : premier niveau, celui des États que l’on peut appeler échelle macro et qui renvoie à la géopolitique et aux relations internationales et, second niveau, celui des acteurs localisés à une échelle micro, où l’approche de géographie sociale a été plus spécifiquement mobilisée. C’est principalement ce second niveau qui représente le cœur de ce travail de recherche, non sans au préalable l’avoir relié au contexte global afin de limiter l’effet disjonctif que les découpages scalaires peuvent produire dès lors que les différents niveaux d’analyse ne sont pas articulés ou emboîtés.
Autre point à développer : les « terrains laboratoires », c’est-à-dire les terrains d’étude sur lesquels ont été collectées les données, effectués les entretiens et les observations.
Le but est d’accéder à des réalités frontalières plurielles où les différences et les inégalités se font jour, elles offrent une vision assez large de ce que l’on peut rencontrer à l’échelle plus petite. Il y a là aussi la volonté d’avoir une diversité empirique pour mener ce travail de recherche.
Trois zones géographiques ont été choisies. Et, dans chacune d’elles, des « terrains-laboratoires » ont fait l’objet de recherches plus spécifiques, auprès des populations et des acteurs, de manière générale, de ces pays où régions. Ces terrains se situent au Proche-Orient avec les exemples du Liban, d’Israël et des Territoires palestiniens. Une autre partie se concentre sur la situation au sud de l’Europe méditerranéenne (Sud-est de l’Espagne), aux marges de l’espace Schengen, avec l’exemple des relations entre le Maroc et l’Espagne au niveau de Ceuta. Enfin, une dernière zone est étudiée, celle de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans la partie Est de la frontière au niveau du sud du Texas et de l’État mexicain de Tamaulipas.
C’est sur ces différents terrains-laboratoires que se concentrent les observations et analyses, sur lesquels les données ont été recueillies, les entretiens menés. Ils représentent les échelons locaux des analyses, les points d’ancrage en quelque sorte, à partir desquels se structurent les réflexions plus régionales et internationales.
Localisation des frontières d'étude