Frontières : un terrain de recherche


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Géographie sociale

Les frontières : un terrain de recherche
aux multiples visages...


Frontière : une introduction à la notion
 

Frontière. Le mot a depuis longtemps intéressé le militaire, l’homme d’État, le géographe, le citoyen... Plus exactement, le concept a connu une évolution certaine au fil du temps, selon les contextes politiques, économiques, sociaux, idéologiques...
Fils barbelés : un instrument de démarcation Les frontières s'imposent aux regards et aux corps des hommes et des femmes qui tentent de les traverser, en quête d'un ailleurs meilleur...
C'est un instrument de contrôle et de domination. C'est aussi une production sociale, historique, évolutive selon les rapports de force. La frontière constitue un espace de contacts et de frottements. La forme et la nature des relations varient selon le contexte géographique, historique, politique, économique, culturel...
C’est un concept central dans les discours idéologiques en vogue, tantôt avec leur effacement et leur ouverture, tantôt au contraire avec leur renforcement dans le cadre de l’idéologie du « territoire » et de « l’identitaire ».
Dans ces contextes idéologiques, la notion de frontière (re)trouve un écho particulier auprès des sociétés humaines. En différents points de la planète, la violence et le conflit le rappellent chaque jour...

  • (1) - (du grec horos, horizon), notion utilisée par Michel Foucher dans Foucher M, 1991, Front et frontière. Un tour du monde géopolitique, Paris : Fayard, (édition revue et augmentée), p 49. Le terme d’horogénèse utilisé par Michel Foucher s’apparente également à la notion de limologie (du latin, limes) qu’emploient par exemple Claude Raffestin et Jean-Pierre Renard. Ces deux termes désignent le processus de production des frontières.
  • (2) - Extrait de Fabien Guillot, 2009, Les asymétries frontalières, thèse soutenue à l'université de Caen Basse-Normandie, 497 p. Thèse en libre téléchargement sur la page des travaux et publications.

Ces éléments introductifs doivent être complétés par quelques rappels. Ils sont nécessaires, car les frontières qui existent aujourd’hui sont des constructions sociales, historiques, qu’il faut situer dans le contexte de leur élaboration pour comprendre l’évolution et le présent des relations qui y ont lieu. Le fait de tracer des frontières - de les produire - concourt à dessiner les contours d’un ordre politique international, à le matérialiser. Ordre politique produit des compromis sociaux et des rapports de force entre acteurs. Ce qui ouvrent tout un questionnement. Qui trace les frontières ? Qui les modifie ou cherche à les maintenir et pourquoi ? Ces questions reviennent à s’interroger finalement sur l’horogénèse (1), c’est-à-dire sur le processus de formation des frontières.

(...) à partir des questions et éléments posés, le but est de (ré) interroger au moins sous trois angles la problématique des frontières. Construire, déplacer et maintenir les frontières sont trois registres qui illustrent aujourd’hui encore des conditions et des rapports de force différents, inégaux et changeants, des stratégies fluctuantes et contradictoires. Au-delà de la prise de conscience des situations changeantes, il convient de se demander quels sont les déterminants des relations frontalières, de poser la question des facteurs de la domination et de la puissance qui évoluent au cours du temps, selon des espaces (topographie), des échelles, selon les moyens techniques et technologiques (transports, communications, armements…) et selon les intérêts et enjeux (politiques, économiques…). (...) (2)

De la nécessiter de recontextualiser
la question des relations frontalières

  • (3) - Fukuyama Francis , 1992, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris : Flammarion, 448 p.
  • (4) - Huntington Samuel P. 1993, « The clash of civilisations ? » in Foreign Affairs repris et complété en 1997 dans Le Choc des civilisations, Paris: Odile Jacob, 547 p.
  • (5) - Extrait de Fabien Guillot, 2009, Les asymétries frontalières, thèse soutenue à l'université de Caen Basse-Normandie, 497 p. Thèse en libre téléchargement sur la page des travaux et publications.
  • Les asymétries frontalières. Essai de géographie sociale et politique sur les pratiques sociales et les rapports sociaux. Thèse de géographie Fabien Guillot novembre 2009
Presque vingt ans après la chute du contre-modèle capitaliste qu’incarnait le bloc soviétique, et suite à ce que Washington a alors appelé le « nouvel ordre mondial », quelle est la situation géopolitique, quelle est la situation des relations internationales ? Assiste-t-on à l’émergence d’un monde plus simple et plus pacifique où les conflits et questions frontaliers se seraient estompés ? Les évolutions des rapports de force à l’échelle planétaire comme régionale, produisent-elles toujours des transformations, des tensions, au niveau des frontières ? Le déplacement des lieux de décisions et l’émergence des pouvoirs économiques - notamment financiers - et médiatiques, ajoutés au pouvoir politique sont une évolution importante qui intervient sur les dynamiques de domination, plus largement sur les rapports sociaux. Ce qui fonde et participe à la production de la puissance, de la souveraineté, a évolué ; la géopolitique et les relations frontalières aussi.
À la différence des tenants du « nouvel ordre mondial » des années 1990, et des interprétations qui sont construites à partir des deux « théories générales » à portée explicative de la géopolitique du monde, celle de « la fin de l’histoire » (3) et celle du « choc des civilisations » (4), je considère que les relations internationales demeurent complexes à analyser. Il y a complexité, car justement elles sont une production historique qui se poursuit et le résultat de rapports de force contradictoires, antagonistes, concurrents dépassant l’explication, réductrice au demeurant, que constituerait la seule causalité « civilisationnelle ». Les relations frontalières et plus précisément les différends frontaliers représentent encore une des formes d’expression importante, un des enjeux et terrains d’affrontement entre acteurs, pas seulement des États. L’espace, ce qu’il contient et incarne (ressources, populations, valeurs…), est l’objet de beaucoup de convoitises, et les délimitations, donc les frontières, restent des objets de controverses, d’oppositions et de conflits. En plus des facteurs « classiques » à l’origine de l’appropriation de l’espace, il est fort probable que les facteurs environnementaux, écologiques, représenteront à l’avenir des éléments à intégrer, à part entière, dans l’analyse géopolitique des conflits d’usage et d’appropriation de l’espace, mais pas uniquement. (...) (5)


Les terrains de recherche
 


Frontières : Carte de localisation des terrains de recherches sur les relations frontalières (F. Guillot)

 

  • (6) - Michel Foucher, 1991, « Frontières à retracer : un point de vue de géopoliticien », dans Frontières et limites, acte de séminaire, Paris : Centre Georges Pompidou, p. 69
  • (7) - Olivier Razac, 2000, Histoire politique du barbelé. La prairie, la tranchée, le camp, Paris : éd. La fabrique, 111 p.
  • (8) - Michel Foucault, 2004, Naissance de la biopolitique : cours au Collège de France, 1978-1979, Paris : Seuil/Gallimard, 355 p.
Tracer une frontière est un acte géopolitique par excellence puisqu’il s’agit de délimiter des aires d’exercice de la souveraineté, d’inscrire le politique dans l’espace. (6)

Frontières, barbelés et murs...

Sous toutes ses formes la frontière donne matérialité à une inscription spatiale des relations de pouvoir...On retrouve sur les différents continents et dans les divers pays, les barbelés, les murs, les fossés, les no man's land...
barbelés en rond : entourer pour mieux contrôler Mur de séparation : symbole d'apartheid ?
L'espace est à la fois support et outil : support d'une volonté politique, outil pour la matérialiser et l'imposer. Plus que contrôler l'espace, c'est bien contrôler les hommes qui y vivent et les ressources qu'il concentre qui est l'enjeu... Cependant, à la matérialité des dispositifs de marquage de la frontière qui traduisent en actes la présence d'un pouvoir, d'une souveaineté, s'ajoute aussi la présence indicible et invisible de ce même pouvoir sous les traits de la télé-présence. Cette télé présence est une manière d’être présent, mais non d’un point de vue démonstratif et ostentatoire, mais de façon discrète, furtive. Ce qui compte, ce n’est donc pas tant la force de la présence, le degré et la quantité, mais l’efficacité, c’est-à-dire en quelque sorte son « pouvoir d’action » (7). L’épaisseur matérielle, la présence massive importent moins que la volonté d’être là sans être vu, en ayant recours aux technologies les plus avancées. Cette présence immatérielle vient ainsi compléter la présence matérielle (murs, barbelés, grillages…). Cela concrétise et complète les moyens de domination et de pouvoirs « classiques », à la fois sur et dans l’espace et sur les populations. On entre alors dans le domaine de l’indicible et de l’invisible où la présence de chacun est détectée et enregistrée par les ondes, les vibrations, la chaleur et la génétique… Sans doute est-ce à cet instant où les formes de marquage et de présences s’inscrivent dans la sphère du « biopouvoir » (8). Le recours aux identifiants biométriques et aux nouvelles technologies transforme ainsi les pratiques de contrôle et de surveillance des individus et des espaces, non seulement aux frontières, mais dans le reste des espaces sociaux. En cela, les frontières matérialisent et suivent là encore les évolutions des rapports sociaux.



Frontière du Liban sud Au Liban (à gauche) comme au Mexique (ci-dessous), l'espace est marqué par le tracé de la frontière ou bien utilisé pour la symboliser. Le Rio Grande matérialise l'une des frontières les plus surveillées au monde : celle qui sépare le Mexique des États-Unis. Mais bien plus qu'une frontière entre deux États, n'est-ce pas aussi une frontière entre deux « mondes » ? Deux « mondes », c'est-à-dire celui du « Nord » riche et développé et celui du « Sud » pauvre et aux économies fragiles.
Dans un autre contexte, entre le Liban et Israël, pas de démarcation « naturelle », pas de fleuve. La frontière est un trait tracé et matérilisé par le barbelé, ou le mur... Elle est tout autant un symbole de séparation fort et lieu de confrontation armé...

 Le Rio Grande : une frontière \




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